Vivre en France depuis plusieurs années et être marié à une Française, c’est un peu devenir traducteur culturel. Pas pour les mots, mais pour ces petites différences invisibles qui font qu’un Français et un Belge ne vivent jamais exactement dans le même pays… même assis à la même table. Dans notre cas, cette table est à Bordeaux, toujours accompagnée d’un verre de vin rouge… ou d’une bonne bière bien fraîche.
La nourriture, ça compte
En Belgique, une frite est un repas. En France, c’est un accompagnement. Chez moi, la frite se savoure, se discute, presque se respecte. Ici, elle est posée sur le côté, comme un figurant. J’ai parfois envie de lancer une pétition pour sa dignité. Mais à Bordeaux, j’ai vite compris que le respect sacré se porte surtout sur le vin… En plus, quand on vit avec une Lyonnaise, ce sont surtout les quenelles, les andouillettes et la rosette qui mènent la danse. Alors, je me bats pour mes frites, mais j’ai quand même adopté les pralines roses et elle a fini par troquer les abats contre les pêches au thon (c’est un vrai plat, et tout le monde en redemande) !





Politique : un sport national
En Belgique, on peut vivre sans gouvernement pendant plus de 500 jours. En France, trois semaines suffisent pour déclencher des manifestations. Le Belge pratique le “laisser-faire”, le Français le “laisser-crier”. Deux styles, même résultat : tout continue à peu près comme avant, et les politiques belges aux frasques et sorties les plus “marrantes” n’ont finalement rien à envier aux Français !
Parlons conversation
Le Belge dit “ça ira”, le Français dit “ça va ?”. Le premier projette dans l’avenir, le second vérifie l’état des lieux immédiat. J’ai appris à jongler entre optimisme vague et bilan instantané, et à trouver le juste milieu.

Accents et langue : un festival
Mon accent belge fait sourire, le sien roule les voyelles lyonnaises comme une chanson, et l’accent du Sud-Ouest ajoute sa touche chaleureuse. À la maison, nos discussions deviennent un véritable festival linguistique : Belgique, Rhône-Alpes et Gironde réunis. Quand le huit devient HOUIt, ou qu’elle se met à mélanger des expressions lyonnaises et wallonnes, le temps s’arrête sur un échange burlesque. Certains mots belges nécessitent encore traduction pour mes amis français. Inversement, certaines expressions françaises semblent parfois plus belges que l’inverse.
Géographie et météo : nuances culturelles
Pour un Français, Bruxelles est “très loin, au Nord”. Pour un Belge, Bordeaux est “en bas à gauche, presque l’Espagne”. Et la météo ajoute sa touche : en Belgique, on parle pluie comme de foot ; ici, on dramatise dès qu’il pleut deux jours d’affilée. Mais le soleil du Sud-Ouest finit toujours par reprendre le dessus, avant de se rendre compte que, statistiquement, il pleut plus à Bordeaux qu’à Bruxelles…mais ça, on ne le répètera pas !


Amabilité et “belgitude”
Le Belge est détendu, tutoiement facile, blague toujours prête. Le Français, lui… je vous laisse écrire la suite, je suis toujours en attente de la double nationalité !
Et puis il y a la fameuse belgitude : un cocktail d’autodérision, de modestie et de fierté discrète. Le Belge, c’est ce type qui se moque de lui-même avant que tu aies eu le temps d’ouvrir la bouche.
Alors oui, il y a des différences, invisibles ou énormes. Mais vivre entre la France et la Belgique, c’est comme alterner bière et vin : chacun a ses amateurs, chacun a ses excès, mais les deux finissent toujours par mettre les gens autour de la table. Dans notre couple, ça donne une alchimie parfaite : elle m’initie aux huîtres et à la gastronomie française, moi j’apporte mon stoemp, mes bicky et mes carbonades flamandes. Et finalement, c’est peut-être ça, la meilleure recette : un peu de France, un peu de Belgique, beaucoup de rires… et toujours deux verres prêts sur la table.


